Saisie par la commune d’Étampes, la cour administrative d’appel de Versailles a jugé en décembre 2023 que le maire avait altéré la devise de la République en ajoutant le mot « laïcité » sur les frontons des écoles et d’autres bâtiments publics et qu’il devait bien procéder à son retrait.
Armand Lieutier, vice président de la FOL 07, président de la commission laïcité, plaide ci-dessous pour une action militante en faveur de cet ajout sur le fronton des mairies volontaires:
Ajouter LAÏCITÉ
sous la devise républicaine sur le fronton des mairies. Nous y sommes favorables Nous l’avons fait
D’autres le feront
Sur le fronton de deux mairies ardéchoises, Champis (ci-contre) et Cornas, figure maintenant le mot LAÏCITÉ sous la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité »
Le dernier dévoilement intervenu en décembre 2020, à Cornas, à l’occasion de la journée nationale de la laïcité, s’est déroulé en présence d’un public composé d’élus – sénateur, députée, conseillère départementale, maires – de la Fédération des Œuvres Laïques 07, de l’observatoire de la laïcité 26/07, de responsables associatifs, d’enseignants avec des discours éloquents pour honorer avec force une initiative citoyenne d’envergure : celle de rendre visible, affichée une conquête de notre République : la LAÏCITÉ, ayant nécessité une longue histoire de luttes pour aboutir à la loi du 9 décembre 1905 qui en a défini ses principes fondamentaux :
• Séparation de l’ Eglises et de l’État
• Liberté de conscience
• Liberté de culte
La loi est renforcée par l’article 1 de la constitution de 1946 « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale »
Loi et principe constitutionnel, dispositions juridiques, concept philosophique, valeur citoyenne, le terme « laïcité » reste complexe car fruit d’une longue histoire, non seulement celle des lumières mais aussi celle de l’apport séculaire de tous ceux qui se sont interrogés sur l’homme, son existence, sa destinée, son émancipation et ses rapports pacifiques aux autres.
Complexe pour la majorité des citoyens de notre pays et embarrassant, incompréhensible et même hostile tels les groupes de pression politiques ou religieux dans d’autres pays.
Lente et difficile construction de la République, la laïcité est cependant devenue l’un des piliers fondamentaux de notre nation, se heurtant toujours à des adversaires traditionnels auxquels s’ajoutent aujourd’hui ceux qui dénaturent, falsifient même l’idée de laïcité et facilitent de dangereux compromis accommodants.
Alors que de nouveaux ennemis politiques surgissent, notamment ceux de l’islamisme radical meurtrier, qui contestent les fondements de notre société, considérant la loi religieuse supérieure aux lois de la République . Les victimes Charlie Hebdo, le Bataclan, Samuel Patty, Dominique Bernard et, hélas, tant d’autres, célébrant la laïcité, comment pourraient-ils être oubliés ?
Alors, comment mieux défendre, mieux promouvoir notre laïcité ?
Dans la continuité historique des combats menés par nos aïeux pour aboutir à cette victoire à vocation universelle, nous ne devrons pas oublier que :
« La laïcité est un processus historique de longue durée multiforme et par nature inachevé »
Gérard Delfau dans « La laïcité, défi du XXI° siècle » ( l’Harmattan 2015)

Ci contre. Mairie de Cornas.
Alors, quelle contribution, aussi modeste soit-elle, des élus locaux pourraient-ils apporter par leur action à ce processus inachevé ?
Face à la problématique d’une laïcité attaquée, méconnue, invisible, la MAIRIE, symbole républicain, avec son monogramme République Française, gravé sur sa façade ; avec sa devise
« Liberté, Egalité, Fraternité », triptyque qui n’évoque pas l’idée fondamentale de séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux, ce principe fondateur républicain de neutralité et l’omniprésence du buste de Marianne, reste un élément essentiel pour mettre en scène la République.
La mairie tire aussi sa force d’éducation et de transmission par sa fonction de sociabilité : on s’y marie civilement, on y célèbre les baptêmes républicains, on y consigne les événements familiaux par l’état civil, on y proclame les résultats électoraux, on y prend les décisions pour la gestion de la commune…on y chante la Marseillaise…on y plante le drapeau tricolore…
Le maire, personnage central, y joue un rôle primordial d’interface entre plusieurs figures de la souveraineté nationale : la commune, l’intercommunalité, le département, la région ; l’état.
Et quand l’état civil a été transféré des paroisses aux communes, ce fut une révolution garantissant un mouvement continu de sécularisation, puis de laïcisation qui allait se confirmer tout au long du XIX° siècle et concrétiser ce transfert définitif du pouvoir pirituel au pouvoir temporel.
Ainsi donc, la mairie, lieu et représentation de la République depuis 1789, peut s’honorer de porter sur ses murs, son emblématique devise dont les termes vertueux sont souvent utilisés de par le monde mais dont la polysémie, parfois divergente, constitue la limite. ( Ex : LIBERTÉ = libéralisme destructeur ou = émancipation humaniste ou = liberté de répandre de fausses nouvelles??)
Poursuivre, avec la mairie, son œuvre par, pour et avec la laïcité, c’est en l’occurrence la rendre visible, permanente, publique par les 7 lettres L.A.I.C.I.T.E/
Vulgariser, célébrer cette monumentale spécificité française en l’offrant aux yeux et à l’esprit des passants, c’est affirmer comme le démontre Boris Cyrulnik,( célèbre neuropsychiatre), que
« les mots sculptent le cerveau »
Puissent l’analyse, le raisonnement parfois trop abstrait, ne pas décourager et faire s’évanouir dans l’esprit du citoyen le sens et le goût d’une réalité concrète et valeureuse.L’inscrire, c’est faire entrer le terme et l’idée dans le quotidien de la vie de la commune , c’est en rappeler la nécessité et faire preuve de pédagogie active basée sur la vive conviction que cette application concrète apporte un supplément pragmatique à la proposition de Catherine Kintzler « réfléchissons à graver la laïcité dans le marbre des institutions. Légitime supplique, hélas depuis longtemps, inopérante.
Inscrire LAÏCITÉ sur la même façade que le triptyque, c’est compléter, enrichir, enraciner davantage notre patrimoine républicain, c’est passer du domaine théotique incontournable et constitutif de la pensée, trop souvent accessible à la seule élite intellectuelle au domaine de la réalité sensible, accessible par tous.
Cette conception du devoir de la démocratie et de l’éducation populaire et permanente doit aussi sa part pour éclairer chacun des individus de la nation, notamment les plus démunis.
Telle cette contribution du philosophe et professeur universitaire, Charles Coutel, avec sa définition concise et complète :
La laïcité est la coexistence pacifique et rationnelle des libertés individuelles éclairées, au service d’une République définie comme nation civique »
En conclusion, pour ce plaidoyer favorable à plus de laïcité visible, comment ne pas évoquer les mots de Charb en octobre 2012
« J’ai moins peur des extrémistes religieux que des laïques qui se taisent »
Laïques, réveillez-vous !
Puisse aussi le mot LAÏCITÉ sur le fronton des mairies contribuer à réveiller les yeux et les esprits de beaucoup de citoyens.
Et comment ne pas citer aussi l’auteur, Abdenmour Bidar, musulman, qui a écrit « Plaidoyer pour la fraternité » ayant également proposé une profonde et très ouverte réflexion sur « Le génie de la France » tenant, selon lui, essentiellement de la laïcité.
Des dizaines d’années durant, le mot « LAÏCITÉ » « PUBLIQUE » avaient disparu du fronton des écoles publiques mais pas les noms des écoles privées confessionnelles ou autres. Or, absence de mot, idées oubliées.
Est-ce là une des raisons du recul de notre nation pour l’attachement à la laïcité ?
Après des siècles du règne de l’expression « remettre l’église au centre du village » soutenons plutôt l’expression
« remettons la mairie au milieu du village » ,
bonus judicieux pour la promotion et la vertu d’un immense symbole du service public.